Avec l’abandon presque programmé de son titulaire Amadou Soumahoro, doit-on voir dans ce qui se passe au perchoir la marque de son nouvel espoir (intérimaire) ? Rappelons pour le confort de notre contribution de ce matin, le rôle du Conseil Constitutionnel : « Le Conseil constitutionnel est une institution ivoirienne établie par la loi No 94-438 du 16 août 1994 pendant la Première République qui fixe la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement.
Il veille à la régularité des principales élections et référendums. Il se prononce sur la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements avant leurs entrées en vigueur et intervient également dans certaines circonstances de la vie parlementaire et publique. Le Conseil constitutionnel n’est pas une juridiction suprême. C’est une juridiction autonome prévue au titre VIII nouveau de la constitution ».
Après son ouverture le 17 janvier 2022 et sa clôture le 10 février 2022, l’actualité à l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire, se conjugue aux ressacs produits par les vagues de 11 projets de loi dont le vote de deux, ne trouve pas l’assentiment législatif de l’opposition ivoirienne représentée à l’assemblée. Il s’agit du projet de loi portant ratification de l’ordonnance n° 2021-755 du 1er décembre 2021 portant modification de la loi organique n°2018-867 du 19 novembre 2018 déterminant la composition et le fonctionnement du Conseil Economique et Social, environnemental et culturel, et le fameux projet de loi organique déterminant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel.
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Ces dossiers ne sont pas arrivés sur les tables rondes de travail de nos députés toutes tendances confondues par hasard. En effet, la convocation d’une session extraordinaire à l’effet d’étudier et d’adopter ces 11 projets de loi, est venue du Chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara. Au passage on va rappeler que nos députés pour répondre à la convocation du chef de l’Etat, ont écourter leur vacance pour venir précipitamment au « chevet de l’Etat ».
Car la reprise de la session ordinaire qui marque aussi la fin des vacances parlementaires, est prévue pour le début du mois d’Avril 2022. Avant d’aller dans le fond en ce jour de la saint Valentin, il convient de faire un distinguo si distinguo il y a, entre la session ordinaire et la session extraordinaire ! l’une se déroule dans le cadre normal des activités du parlement, et l’autre qui prétend être extraordinaire, se tient avec la seule volonté et la présence physique de ceux qui sont disponibles ! Dans le cadre de la session dite extraordinaire, c’est comme si on mettait les honorables députés dans une situation pas confortable pour tous !
Comme des « latcho » pris au dépourvu ! Sous cet angle on peut parler d’un système de jeu peu respectueux des règles du jeu ! Ici si on a eu le temps de préparer les uns (RHDP) ce n’est pas forcément le cas des autres (PDCI-RDA, PPA-CI, UDPCI etc…). C’est d’ailleurs pour cela que toute l’opposition au garde-à-vous, fulmine : « Cette convocation qui intervient au cours des vacances parlementaires, laissait comprendre l’empressement du chef de l’exécutif, de voir dans l’urgence et la célérité, adopter ces textes qui ne pouvaient attendre l’ouverture de la session ordinaire de l’année 2022 ». En face il eut cet alibi compris dans l’exposé des motifs :

« En effet et ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs, les innovations introduites par la nouvelle constitution et sa modification par la loi constitutionnelle ont impacté aussi bien la structuration des principaux leviers de l’Etat que les attributions, l’organisation et le fonctionnement du conseil constitutionnel. De sorte qu’il importait d’intégrer à la loi organique actuelle relative au conseil constitutionnel ces modifications ». Donc si on comprend bien, l’exécutif nous dit qu’il y a urgence à introduire ces nouvelles modifications dans le corps de la loi constitutionnelle !
Le hic c’est qu’ils n’ont pas été capables de rehausser conformément à l’urgence invoquée, le niveau des émotions des honorables députés de l’opposition ! En d’autres termes la contagion de l’urgence n’a pas fonctionnée ! C’est comme si à la mi-temps d’un match de foot entre deux Etats, on demandait aux remplaçants de jouer le match en 15 minutes avec une incidence décisive sur le résultat final du match des 90 minutes ! Au moment où les titulaires sont dans les vestiaires pour se reposer et prendre les dernières consignes des sélectionneurs, les réservistes sont appelés à monter sur le terrain !
Nous sommes dans le fond. Ouverte le 16 décembre 2021, le dépôt des propositions de thèmes n’a pu respecter la date du 17 décembre de la même année. La faute est attribuée aux groupements politiques et acteurs de la société civiles cooptés pour les travaux du 5ème round du dialogue réservé à la politique. Pour joindre l’utile à l’agréable la date de réception a été prolongée jusqu’au 27 décembre 2021. D’un côté on demande aux gens de déposer les thèmes pour la finalisation consensuelle des termes de référence devant servir pour la conduite des travaux, et de l’autre on « manœuvre » de sorte à inscrire le même thème dans deux instances que tout oppose !
Le Dialogue Politique et les travaux de l’assemblée nationale ! D’un côté il y a essentiellement des élus du peuple, et de l’autre des personnes dûment cooptées ! On se rend compte tout de suite que la vitesse d’action (Assemblée Nationale) prime sur les travaux du Dialogue politique qui visiblement piétinent. Exprès ! C’est comme si on attend le fait accompli ! Visiblement une fois de plus, l’accomplissement est fait au grand dam de l’opposition qui n’a que ses yeux pour les regrets ! Au fait, le gouvernement avait deux fers au feux pour réussir son coup. Ici la leçon à tirer est simple.
Le résultat est le même. On se souvient qu’en 2020 après tout ce qui s’est passé, l’opposition n’a pas daigné présenter de candidat à la présidentielle d’octobre 2020. Puis aux élections législatives tous les partis en ordre de bataille ou en rangs dispersés, ont fait actes de candidatures. Comme il fallait s’y attendre au décompte final, le parti au pouvoir s’est taillée la part du lion. Avec cette part que personne ne peut lui contester à l’assemblée nationale il rugit quand il veut et comme il veut ! La présence de nos députés qui avoisine le chiffre quatre-vingt-dix, ne les impressionne pas !
Sur de sa force parlementaire, le RHDP fait feu de tout bois ! Mais pourquoi le RHDP choisit-il les temps faibles pour se frayer un chemin ? Le RHDP craint-il les sessions ordinaires ? Si oui pourquoi ? Si non il n’y a aucune gloire à gagner dans ces conditions extraordinaires !!! Qu’elle soit représentée à l’assemblée ou non, la caravane du RHDP solidement attelée, avance ! On peut se demander si nos valeureux députés arrivent à faire le travail législatif et parlementaire pour lequel ils y sont ? Avec ce coup on voit les limites de leur présence.
En 2020 avec un découpage électoral à sens unique, un code électoral distribué en une seule version, une liste électorale incomplète (sans les nouveaux majeurs), une CEI et un Conseil Constitutionnel non consensuels, l’opposition n’a aucune chance devant le parti au pouvoir qui a fait et qui fait montre de son instinct de conservation du pouvoir. Quel sort pour une opposition qui devra fourbir les armes contre le RHDP aux prochaines élections ? Maintenant que le conseil constitutionnel a renforcé le système de régulation, on voit mal l’opposition sortir la tête ne serait-ce que pour prendre part honorablement à n’importe la plus petite des élections ?!
Si hier en 2020 le conseil constitutionnel n’était pas en faveur de l’opposition, il n’est pas dit qu’il le sera demain ! Le dialogue politique dont les dés viennent d’être pipés (officiellement) avec l’adoption de la loi sur la nouvelle mouture de la loi constitutionnelle, il ne reste plus qu’une seule porte de sortie aux partis de Bédié et Gbagbo. Sortir avec ou sans fracas en prenant à témoins le peuple de Côte d’Ivoire et la communauté internationale, de l’espace mal éclairé où se tient le cirque du dialogue politique. Le RHDP vient de tuer le dialogue politique avec l’adoption de cette loi.
En effet, si le RHDP voulait produire la preuve qu’il ne veut pas aller à la réconciliation, ce coup est là pour nous le rappeler. Poursuivre le dialogue politique en allant encore prendre part aux séances du 5ème round, serait une injure au peuple de Côte d’Ivoire qui en attendait mieux. Surtout que le thème sur le conseil constitutionnel ne peut plus y être débattu sérieusement et sereinement, vu que celui-ci a fait l’objet d’une adoption par l’assemblée nationale et n’a plus par conséquent, sa raison d’y être ! Pour le RHDP la roue de la ruse a bien fonctionné !
En l’état actuel des choses, plus personne ne pourra me convaincre qu’il faut nécessairement se résoudre à assurer le ballet désormais indigne du dialogue politique. A moins de faire courageusement et à visage découvert, le jeu du parti qui surfe sur son instinct du pouvoir ! La Côte d’Ivoire vient de gravir sans coup férir, un autre niveau de sa crise. Aussi, fermer les yeux et faire semblant de ne rien voir et de ne rien entendre, serait un double acte de haute trahison. Soyons dignes avec ceux que nous avons perdus sur les prestigieux différents champs de bataille. Ne les enterrons pas une seconde fois !

Quand l’instinct du pouvoir est trop fort, il convient de marquer une pause pour ajuster la ligne de mire ! Le dialogue politique est un os à ronger pour chien trop affamé ! Quant à la question est-ce que notre assemblée nationale fonctionne selon les canaux internationaux, c’est-à-dire en privilégiant l’intérêt supérieur de la Nation ? je laisse la réponse à nos honorables et le peuple pour seul juge de tout cela ! Avec ce tournant inattendu, notre pays vient d’augmenter les conditions de survie de la crise qui nous étouffe avec la pression de sa strangulation qui remonte au dernier trimestre de 1999.
Ce que l’assemblée nationale prend d’une main, le dialogue ne politique ne peut nous le restituer ! Simple leçon de réalisme. Revenons à la genèse de tous ce micmac. En effet, c’est le 2 février 2022 après la réception des points de propositions à soumettre à la discussion, que les députés de la commission des affaires générales et institutionnelles (CAGI) a adopté en commission les deux projets de loi présentés par le garde des sceaux, Ministre de la justice et des droits de l’homme, Sansan Kambilé, représentant le chef de l’Etat.
On peut conclure que le report d’une semaine (17 décembre) jusqu’à la date du 27 décembre 2021, a permis aux stratèges du RHDP, de prendre la mesure des sujets et leur probable implication pour introduire des actions en guise de pare-feu et de rambardes de protection politiques. Peut-être que si le sujet relatif au conseil constitutionnel ne figurait pas dans le panier du dialogue politique, celui-ci ne serait pas sorti de façon hirsute dans le chapeau de l’assemblée nationale surtout en pareil moment (vacances parlementaires) ! Pour s’en féliciter je vous propose ce que disait à ses pairs le 10 février le député d’Agboville :
« je ne saurai lever cette séance sans vous exprimer toute ma gratitude mais surtout sans me réjouir du sens élevé de la responsabilité qui habite notre institution ». Et de finir son propos par : « On a su par un état d’esprit de fraternité, de recherche permanente du compromis servir notre pays ». Quelle éloquence ! (Voir Frat/Mat du 14 février 2022).
KONE KOBALI
Libre auteur, créateur