Depuis plusieurs mois, la relation entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, historiquement marquées par des échanges culturels et humains étroits, traversent une période de refroidissement sans précédent. Ce tournant inquiétant laisse place à une montée des tensions politiques et diplomatiques entre ces deux pays frères.
Le 11 juillet 2024 restera gravé comme un moment charnière dans la détérioration des relations entre Abidjan et Ouagadougou. Le capitaine Ibrahim Traoré, chef du régime militaire burkinabè, a publiquement accusé la Côte d’Ivoire et le Bénin de vouloir déstabiliser son pays.
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« Nous n’avons rien contre le peuple ivoirien, mais nous avons quelque chose avec ceux qui dirigent la Côte d’Ivoire », a déclaré Traoré devant les forces vives de la nation burkinabè. Le président Traoré est allé jusqu’à affirmer détenir des preuves matérielles d’un prétendu « centre d’opérations » basé en Côte d’Ivoire, destiné à déstabiliser son pays. Depuis ces déclarations, la confiance entre les deux voisins semble avoir été profondément ébranlée, remplacée par une suspicion mutuelle.
Quelques semaines plus tard, de nouveaux incidents viennent aggraver la situation. En juillet 2024, les médias burkinabè rapportaient le refoulement de 173 Burkinabè de Côte d’Ivoire, un acte dénoncé comme étant contraire aux règles humanitaires. Le 23 septembre, le ministre burkinabè de la Sécurité, Mahamadou Sana, affirmait que « des individus, résidant en République de Côte d’Ivoire, se sont activés dans une entreprise de subversion contre notre pays. » Ces propos n’ont fait qu’accentuer les tensions, renforçant l’idée d’une menace venant d’Abidjan.
La réponse de la Côte d’Ivoire : appel à l’apaisement
Face à ces accusations graves, la Côte d’Ivoire a choisi de répondre avec retenue. Lors d’un point de presse à l’issue du Conseil des ministres du 30 septembre 2024, Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement ivoirien, a tenu à rappeler que « la Côte d’Ivoire, dans sa politique, n’a jamais participé à la déstabilisation d’un pays voisin. » Il a également souligné les relations historiques entre les peuples ivoiriens et burkinabè, évoquant les trois millions de Burkinabè vivant sur le sol ivoirien ainsi que les 60 000 réfugiés burkinabè accueillis après avoir fui le terrorisme dans leur pays.
Cette déclaration visait clairement à apaiser les tensions, mais sur le terrain, les signes de méfiance demeurent. Par exemple, une manifestation patriotique des ressortissants burkinabè en Côte d’Ivoire, prévue pour le 28 septembre 2024, a été interdite par des jeunes proches du pouvoir ivoirien. Cet épisode a renforcé l’incompréhension à Ouagadougou, les autorités burkinabè regrettant « le silence des autorités ivoiriennes » sur cette interdiction.
Vers une escalade des tensions ?
Les signes de dégradation des relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ne datent malheureusement pas d’hier. Déjà en 2023, des incidents à la frontière, impliquant des policiers ivoiriens arrêtés sur le territoire burkinabè, avaient laissé entrevoir des tensions grandissantes. Mais c’est véritablement depuis les deux coups d’État successifs au Burkina Faso, en janvier et en septembre 2022, que le fossé entre les deux pays s’est creusé. Ces changements de pouvoir, et plus encore, les divergences idéologiques qui en ont découlé, ont placé les deux nations sur des trajectoires opposées.
Aujourd’hui, les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso semblent à un point critique. Le rappel des diplomates burkinabè en poste à Abidjan fin septembre 2024 est un signe inquiétant. Si les divergences politiques sont une chose, les populations des deux pays, quant à elles, continuent de coexister et d’entretenir des relations étroites. Il est donc crucial d’éviter une escalade qui aurait des conséquences désastreuses pour ces millions de citoyens aux destins liés depuis des siècles.
L’heure est à la diplomatie
Face à cette situation préoccupante, la solution réside dans le dialogue et la diplomatie. Les leaders des deux nations doivent faire preuve de responsabilité pour éviter que la suspicion mutuelle ne dégénère en conflit ouvert. Il est primordial que la communauté internationale encourage un rapprochement et des discussions sincères entre les deux pays, avant que les tensions ne deviennent irréversibles.
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L’histoire des relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso est marquée par la solidarité et les échanges. Il serait dommage qu’une « guéguerre politicienne » vienne briser cette cohabitation pacifique et affecter durablement les populations. Tant que le dialogue reste possible, l’espoir d’une réconciliation entre Abidjan et Ouagadougou demeure. Mais le temps presse, car chaque jour qui passe sans solution rapproche les deux pays d’une crise potentiellement explosive.
Prince Beganssou