En Côte d’Ivoire, la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) continue d’attirer l’attention par ses actions violentes, comme en témoignent les récentes perturbations des 1er et 2 août 2024 sur le campus de Cocody.
Ce mouvement, né dans un contexte de multipartisme et de lutte pour les droits étudiants, a depuis plusieurs décennies recours à la violence comme outil stratégique pour faire entendre ses revendications. À travers une analyse sociologique, Dr. Kamenan Arthur Yobouet explore comment la FESCI utilise la violence pour renforcer sa position et inscrire ses revendications sur l’agenda politique national.
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La Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) a encore fait parlé d’elle les journées du 1er et 2 août 2024 ; Cours Magistraux, Travaux dirigés, Soutenances de thèse de doctorat, de Master, réunions de travail, séminaires, toutes activités suspendues sur le campus de Cocody. Une fois de plus, les médias et réseaux sociaux ont été inondés de scènes de violences et d’affrontements entre étudiants et leurs voisins policiers.
Encore une fois, des dégâts matériels ont été causés et la quiétude des parents d’étudiants et de l’ensemble des acteurs du système universitaire a été troublée. Tout cela pour exiger la libération de leurs camarades étudiants détenus le 07 juin 2024 au Pôle Pénitencier d’Abidjan (Ppa) pour troubles à l’ordre public et de détention d’armes. De toutes les associations d’étudiants qui mènent leurs activités sur les espaces universitaires ivoiriens, seule la Fesci s’est inscrite dans la conscience collective comme une organisation qui a un caractère violent.
Nous nous intéressons aux enjeux du recours à la violence par la Fesci pour comprendre et expliquer son comportement après une trentaine d’années d’existence sociale. La violence, une ressource associative à maitriser. Crée dans un contexte d’introduction du multipartisme en Côte d’Ivoire, la Fesci choisi la lutte pour les intérêts des élèves et étudiants ivoiriens comme l’objet de son existence.
Se définissant comme un mouvement révolutionnaire de gauche dont les actions ne sont pas aisément acceptées l’Etat, elle conçoit ce dernier comme un acteur à contrainte, dont l’intervention doit être forcée. Cet adversaire ainsi identifié, la Fesci développe un mode de gouvernance structuré de sorte à s’assurer une rigoureuse fidélité de toutes ses composantes pour l’exécution de ses mots d’ordre.
Cette manière d’agir est une réponse adaptée aux incessantes interventions des forces de l’ordre pour stopper l’ensemble des mouvements de grèves lancés par la Fesci. De 1990 à nos jours, le campus de Cocody n’a cessé d’être le lieu d’affrontements entre la Fesci et les forces de l’ordre. Pour être en mesure de résister aux assauts de ses derniers, la Fesci a militarisé ses pratiques et utilise les espaces universitaires pour la formation de ses militants.
Lesquels saluent leurs supérieurs hiérarchiques avec un respect militaire tout comme cela se fait dans l’armée. Le communiqué du procureur de la république près le tribunal de première instance de Yopougon fait état d’une bagarre rangée entre deux groupes d’étudiants issus de l’Ufr des sciences économiques et de gestion de l’Ufhb. Cela démontre que les militants de la Fesci ont intégré un système de dispositions durables lié à la violence qui fonctionnent comme une matrice de perception, d’appréciation et d’orientation des actions individuelles et collectives.
La maitrise de la violence apparait ainsi comme une ressource importante pour être à la hauteur de l’adversité. Le recours à la violence, stratégie d’inscription sur agenda politique des revendications estudiantine. Lorsqu’on jette un regard panoramique sur l’ensemble de ses mouvements de grèves, on observe que la Fesci a recours à la violence pour inscrire ses revendications sur l’agenda politique.
Quand elle conçoit ses préoccupations internes comme appelant une intervention des autorités compétentes, la Fesci « fait du bruit » pour que ses revendications soient inscrites à l’ordre du jour des autorités politiques. Dans cette dynamique, le recours à la violence est une stratégie de communication qui sert à attirer l’attention, à légitimer leurs actions collectives et à capter d’éventuels soutiens.
En avril 2016, par exemple, pour marquer son refus de libérer temporairement les cités universitaires pour l’hébergement des athlètes des jeux de la francophonie en Côte d’Ivoire, la Fesci a organisé des mouvements de grèves ayant causés des dégâts matériels importants. L’écho de cette grève a suscité un commentaire du président de la République affirmant que la décision de ne plus utiliser tenir le site de l’université pour les jeux de la francophonie a été prise.
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Les exemples sont multiples et la suspension de toutes les activités académiques sur le campus de Cocody le 1 et 2 août 2024 en est une illustration. En dernière instance, le caractère violent associé aux pratiques de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire contribue à la positionner comme un acteur difficilement contournable dans le jeu universitaire.
Dr Kamenan Arthur Yobouet
Sociologue du Politique et de l’Intégration
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