Côte d’Ivoire : Voyage au coeur des châteaux abandonnés d’Ayamé, Daoukro, Yakro, etc.

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Yamoussoukro
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Chaque fois que je me rends à Yamoussoukro, je suis toujours empli de tristesse, lorsque je pense à ce que Houphouët-Boigny voulait faire de cette ville, et quand je vois ce que nous ses héritiers en avons fait. Houphouët-Boigny rêvait de faire de son village la nouvelle Brasilia ou l’Abuja de Côte d’Ivoire.

Sa résidence, il la voyait comme une sorte de palais de l’Elysée ou Maison blanche, c’est-à-dire lieu où le président réside et travaille. Il y avait dans son palais une salle de Conseil des ministres, appelée salle Bourguiba, des appartements de grand luxe capables de loger un président avec famille nombreuse, et de nombreux visiteurs, des bureaux et logements pour lui et tout son cabinet et sa sécurité, des salles de réception, des salles de banquet, bref tout ce qu’il fallait à un chef d’Etat pour vivre, recevoir et travailler. Qu’avons-nous fait de ce palais ?

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Rien, depuis que son bâtisseur est parti rejoindre ses ancêtres. Et ce palais lutte courageusement contre la ruine qui le guette à tout instant. Pour le moment il semble bien abandonné. Laurent Gbagbo en son temps avait opté pour la construction d’un nouveau palais présidentiel à Yamoussoukro. Il avait commencé à le construire. On y avait déjà englouti beaucoup de milliards. Il y avait aussi la construction du palais de l’Assemblée nationale qui devait être le plus grand ‘Afrique comme on nous le disait à l’époque, qui avait commencé. Ces constructions, malgré tout ce qu’elles nous ont coûté, ont été abandonnées et sont désormais livrées aux herbes et aux animaux.

J’ai visité récemment l’ancienne maison du PDCI de Yamoussoukro. Elle faisait partie des joyaux architecturaux de la ville, avec son horloge florale comme celle de Genève. La dernière fois que ce bâtiment a été utilisé, c’était en 2001, lorsque Mamadou Koulibaly, alors président de l’Assemblée nationale, y avait ouvert la première session du parlement. Ce bâtiment a été saccagé pendant nos différentes poussées de fièvre et aujourd’hui il est complètement en ruine.

A Daoukro, il y avait le palais des congrès qui jouxte l’hôtel de la Paix qui était en construction. Il était presqu’achevé lorsque survint le coup d’Etat. Il y a vingt-trois ans déjà. C’était un magnifique bâtiment. Des milliards y avaient déjà été engloutis. Depuis lors les travaux se sont arrêtés et cet autre joyau architectural a été pillé et tombe en ruine. Seuls quelques pratiquants d’arts martiaux vont s’y entrainer.

Tout juste en face de sa résidence de Daoukro, Bédié avait construit un héliport avec des gradins pour que la population vienne l’acclamer chaque fois qu’il descendrait de son hélicoptère. Du temps de son règne, un hélicoptère y a atterri une seule fois. C’est le jour où George Ouégnin, le responsable de son protocole est allé le supplier à Daoukro pour qu’il rentre à Abidjan calmer les mutins qui semaient le désordre dans la ville. Il est rentré en hélicoptère mais n’a pas réussi à calmer les mutins et il a perdu son pouvoir le lendemain.

A Pèpressou, le village natal de Bédié situé à huit kilomètres de Daoukro, vous pourrez visiter le palais pharaonique que l’ancien président était en train de construire. Un tunnel devait relier ce palais à sa résidence de Daoukro, c’est-à-dire sur huit kilomètres. Un autre tunnel devait relier la maison principale au caveau familial situé à environ un kilomètre au sein du domaine, dont la clôture n’a rien à envier à celle de la résidence d’Houphouët-Boigny à Yamoussoukro. Ces deux tunnels avaient connu un début de construction et sont toujours visibles. Des tonnes de béton armés y avaient été engloutis et on peut imaginer le nombre de milliards déjà dépensés dans ces constructions.

En pure perte. Le grand mystère pour moi a toujours été de savoir pourquoi il fallait un tunnel pour aller au caveau et pour relier Daoukro à Pèpressou. A Abidjan, l’ancienne résidence d’Houphouët-Boigny, rénovée par Bédié qui n’y a passé qu’une seule nuit, la dernière de son règne, et habitée par Gbagbo pendant dix ans, fut bombardée pendant la crise post-électorale. Elle est depuis ce jour en ruine et elle est restée en l’état jusqu’à ce jour.

A Ayamé, dans la région d’Aboisso, maitre Dominique Kangah, un richissime avocat d’affaires grand amateur d’art avait construit un incroyable palais qui de loin me fait penser au Colisée de Rome. Il est décédé aujourd’hui et personne ne sait ce que l’on pourrait faire de cet immense palais dans ce si petit village. Le transformer en hôtel ? Peut-être. Encore faudrait-il qu’il y ait dans la région quelque chose qui puisse y attirer des touristes. Je ne connais pas les intentions de ses héritiers mais je crains que ce palais n’ait été un immense gâchis.

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Je ne parle pas de toutes ces immenses villas en ruine dans nos villages parce que leurs constructeurs sont morts et il n’y a eu personne pour les entretenir, ces maisons inachevées depuis des décennies parce que là aussi les constructeurs sont morts ou ont manqué d’argent pour terminer ce qu’ils avaient commencé. Le problème avec ces grosses villas inachevées ou abandonnées dans les villages est qu’il est très difficile de les vendre. Peut-être que si nous restions modestes lorsque nous construisons dans nos villages, si nous pensions à ce que ces maisons pourraient devenir après nous, peut-être que nous éviterions ces grands gâchis.

Venance Konan

Yamoussoukro Houphouët-Boigny


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