Avec sa disparition ce mardi du Henri Konan Bédié, laisse un grand vide qu’il sera difficile de combler dans sa formation politique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire.
La mort en 1993 de son président-fondateur, Félix Houphouet-Boigny, a provoqué quelques secousses au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci). Le décès ce mardi 1er août de son deuxième leader historique, Henri Konan Bédié, ne manquera certainement pas de faire tanguer quelque peu l’ancien parti unique. C’est que, avant même la disparition du successeur de Félix Houphouet-Boigny, le Pdci qui était déjà à la croisée des chemins, se cherchait fortement.
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La bataille de positionnement était si féroce que, c’est parfois après coup que l’ancien président de la République parvenait à remettre de l’ordre. C’est donc une grande période d’incertitude, faite de beaucoup de questionnement, qui débute ainsi pour l’ancien parti au pouvoir. Et, la réunion d’urgence organisée dans la soirée de mardi, après le décès d’Henri Konan Bédié, pour porter à la tête du parti, conformément aux dispositions règlementaires, Phillipe Alphonse Kwassy Cowppli-Bony, le doyen d’âge des vice-présidents, est loin d’apporter toutes les assurances aux militants.
Dans l’urgence, la direction du Pdci, en dépit du deuil subit, est appelée à remobiliser rapidement les troupes, en vue des élections municipales et régionales du 2 septembre, c’est-à-dire dans moins d’un mois. A moins que le gouvernement, au regard de cette grande épreuve pour l’ancien parti unique, décide de repousser l’échéance.
En perte de vitesse depuis qu’il a perdu le pouvoir en décembre 1999, le Pdci joue son avenir à ces consultations. Un score en deçà des attentes ne manquera sans doute pas de provoquer une nouvelle tension dans ce parti où des indépendants, en dépit des appels et mises en garde d’Henri Konan Bédié, de son vivant, n’ont pas manqué de porter un coup dur à la cohésion de leur formation politique, en décidant de candidater à ces élections.
CES DEFIS QUI ATTENDENT L’EX-PARTI UNIQUE
L’autre défi non moins urgent qui attend le Pdci, c’est sa restructuration, enclenchée l’année dernière par le Sphinx de Daoukro, en prévision de la prochaine élection présidentielle prévue en 2025. Elle devrait s’achever par un congrès ordinaire prévu en octobre prochain. Seul candidat en lice pour sa propre succession, le leadership de l’ex-chef de l’Etat n’était pas moins contestée à l’intérieur même du Pdci où certains, sans franchir explicitement le pas, suggéraient à Henri Konan Bédié de passer la main.
« Rappelons-nous que lors de la création du Rhdp en tant que parti politique, plusieurs cadres du Pdci-Rda avaient déjà rejoint ce parti. A cette époque, nous avons perdu des hommes et des bastions du Pdci-Rda. La défection se poursuit avec les récents départs. Cela signifie qu’il y a un malaise qu’il faut diagnostiquer et traiter. Il s’avère urgent de dresser avec courage le bilan des 23 années dans l’opposition que vit le Pdci sans que des perspectives d’accéder à l’exercice du pouvoir d’Etat se dressent de façon lisible et visible. »
« Le Pdci-Rda doit se repositionner en parti conquérant sinon nous serons condamnés à être à la traîne. Le Pdci-Rda doit se réinventer pour faire rêver à nouveau les Ivoiriens. Il est temps aujourd’hui que s’ouvre au sein du Pdci-Rda un nouveau cycle d’espoir et d’espérance », avait par exemple susurré Noël Akossi Bendjo, l’un des barons du Pdci, en février 2023, dans une interview accordée au Nouveau Réveil.
Et, même s’il a préféré se montrer énigmatique quand on lui demande s’il a l’intention d’être candidat à la présidence de l’ex-parti unique, la suite de ses propos ne finira pas le trahir. « Les écritures disent la moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux (Rire). Le champ du possible est vaste et il ne faut pas se limiter », avait-il répondu implicitement à la question.
A LA CROISEE DES CHEMINS
« Nous avons été approché par de nombreux élus et cadres militants de notre parti pour être candidat à la présidence du Pdci-Rda. Peut-être faudrait-il ressentir dans cette démarche des militants comme un besoin de passation de témoin pour faire entrer les nouvelles générations dans de nouveaux défis de gouvernance. Après 40 ans de gestion du pouvoir d’Etat, 23 ans dans l’opposition dans un contexte de multipartisme où des partis adversaires gagnent de plus en plus du terrain, il faudrait au Pdci-Rda un nouveau logiciel plus adapté aux enjeux du moment, pour faire les choses différemment. »
« Sinon, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne se passera rien, ni maintenant, ni demain. Nous avons comme d’autres un parcours politique qui plaide en notre faveur, nous pensons avoir les capacités humaines, matérielles et relationnelles en interne et en externe pour conduire le Pdci-Rda vers de nouveaux destins. Il appartiendra au parti et à ses structures de définir le moment idoine pour réaliser le passage de témoin. Le Président Bédié a tant donné au Pdci et à notre pays, qu’il est souhaitable qu’il accepte maintenant d’être le ‘’Mandela de la Côte d’Ivoire’’, auprès de qui viendra s’abreuver toute personne en quête de sagesse, peu importe son appartenance politique », avait argué l’ancien maire du Plateau.
Le décès d’Henri Konan Bédié, rebattant les cartes, il ne faudrait désormais pas exclure une résurgence des batailles pour le contrôle du Pdci, qui avaient connu un tournant en décembre 2022, quand deux blocs opposés, ont produit deux communiqués totalement contradictoires, dans la même journée, relativement aux congrès ordinaire et extraordinaire de leur formation politique. Il s’en était suivi évidemment une petite colère de l’ancien député de Daoukro, qui avait promis de l’ordre.
Ainsi, en début 2023, à l’occasion d’un échange de vœux avec les cadres et militants du Pdci, il avait dû appeler les protagonistes à savoir raison garder. « Les Ivoiriens et les Ivoiriennes ont confiance en notre grand parti. Le Pdci-Rda a construit la Côte d’Ivoire moderne en rassemblant tous les enfants de notre pays dans l’union, la discipline et le travail. Nous devons apporter, avec détermination, avec responsabilité et sans calcul, notre part dans la construction d’une nouvelle Côte d’Ivoire. »
« C’est seulement dans l’union, la discipline et le travail que nous pouvons gagner les prochaines élections locales qui nous préparent indéniablement à la prochaine élection présidentielle d’octobre 2025. Cette exigence m’impose d’interpeller chaque responsable, à quelque niveau qu’il soit, sur la nécessité du respect scrupuleux de la discipline du parti. Le Pdci-Rda ne peut laisser prospérer le désordre et la division. »
« Je serai désormais intransigeant à l’égard de tous ceux et de toutes celles qui poseront des actes contraires au renforcement de la cohésion de notre parti. J’invite plus particulièrement tous les responsables à taire les divergences, à cesser les intrigues déconcertantes et à se remettre au travail en assumant chacun, à sa place, la mission qui lui est confiée. Les cabales, les intrigues sont vouées à l’échec ! », avait-il interpellé, depuis son fief.
LE GARANT DE L’UNITE DU PDCI
Que va-t-il se passer à présent que le garant de la stabilité du Pdci n’est plus là ? Déjà confronté à une saignée sans précédent de cadres et militants qui migrent au Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), le Pdci pourrait donc bien trembler sur ses bases, si ces guerres de positionnement reprennent, sans retenue de la part des protagonistes. Dans la foulée des prochaines échéances, le Pdci, fortement courtisé par le Rhdp d’Alassane Ouattara, est appelé à se déterminer.
Même si de son vivant, Henri Konan Bédié avait pris langue avec le président du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), Laurent Gbagbo, en vue d’une alliance et que les pourparlers, bien avancés, donnent déjà lieu à des entendes pour les municipales et régionales à venir, quelques cadres du Pdci restent tentés par un nouveau deal avec le parti au pouvoir. Une mauvaise gestion de ce dossier, pourrait donc provoquer là aussi quelques agitations. Ces défis liés au court terme, ne devrait toutefois pas occulter les challenges du moyen terme.
En vue de la présidentielle de 2025, une poignée de cadres du Pdci était déjà dans les starting-blocks. Dans cette position, l’on retrouve invariablement Jean Louis Billon, Thierry Tanoh et Tidjane Thiam, Akossi Bendjo et… Maurice Kakou Guikahué, le secrétaire exécutif du Pdci, que bien de cadres accusent indirectement de faire la pluie et le beau temps et par ricochet, d’être le responsable de la situation peu enviable du Pdci en ce moment. Interrogé par le quotidien Fraternité Matin, en fin juin dernier, sur ce qu’il pense des cadres qui sortiraient de la mêlée, le député de Gagnoa a eu cette réponse pour le moins curieuse.
« C’est tout ce que vous avez trouvé au Pdci-Rda ? Quels sont les critères qui vous ont permis de dresser votre liste ? ». Cependant quand le confrère lui demande s’il se verrait sur la liste des candidats au parrainage de l’ex-parti unique, il laisse entendre que la question est « prématurée ». Avec la disparition d’Henri Konan Bédié, il y a fort à parier que si l’on repose la question à Kakou Guikahué, sa réponse pourrait varier. Rappelons que c’est dans la soirée de ce mardi 1er août qu’Henri Konan Bédié a tiré sa révérence, à l’âge de 89 ans, après 30 ans à la tête du Pdci.
UNE RICHE CARRIERE POLITIQUE
Victime d’un malaise (le dernier remonte à octobre 2022 à Abidjan), qui n’est pas le premier mais, dont on ignore encore les contours, le président du Pdci avait été évacué de Daoukro à Abidjan. A son arrivée dans la capitale économique, les médecins n’ont rien pu faire pour le sauver. Considéré comme le ‘’fils’’ du premier président ivoirien, Henri Konan Bédié a fait toute sa carrière politique à l’ombre de Félix Houphouet-Boigny.
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Ministre, député, ambassadeur, président de l’Assemblée nationale et président de la République celui qui est surnommé le ‘’Sphinx de Daoukro’’ ou encore le ‘’Boudha de Daoukro’’, a donc connu une riche carrière politique, même si certains considèrent qu’elle a été ternie par le coup d’Etat dont il a été victime le 24 décembre 2019.
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