Une semaine après l’incident de l’abattage d’un drone malien par les forces algériennes, l’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a pris une décision radicale : rappeler ses ambassadeurs en Algérie. Ce geste diplomatique marque une nouvelle escalade dans les relations déjà tendues entre ces pays, exacerbant les fractures dans un contexte régional de plus en plus instable.
L’AES a qualifié l’abattage du drone d’-“irresponsable” et d’une violation manifeste du droit international. Cet incident a déstabilisé davantage une région déjà confrontée à de graves défis sécuritaires et politiques. Le drone, fabriqué par la société turque Baykar, a été abattu alors qu’il effectuait une mission au Mali, selon les autorités maliennes. Cependant, l’Algérie a réagi en affirmant que l’appareil malien avait pénétré illégalement son espace aérien, ce qui a conduit à sa destruction.
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Le Premier ministre malien, Abdoulaye Maiga, n’a pas tardé à réagir fermement à ces accusations. Dans une déclaration officielle, Maiga a dénoncé ce qu’il considère comme une tentative de l’Algérie de soutenir le terrorisme dans la région, un affrontement diplomatique de grande envergure. Selon lui, cet incident illustre une politique algérienne qui, de plus en plus, semble être en décalage avec les intérêts du Mali et de ses voisins. Maiga a également annoncé que son pays allait se retirer d’un partenariat militaire régional établi depuis plus de 15 ans, un coup dur pour les relations bilatérales.
Une crise dans un climat déjà tendu
Cette crise s’inscrit dans une série de tensions qui secouent la région du Sahel. Depuis les coups d’État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les juntes militaires au pouvoir ont cherché à redéfinir leurs alliances, en se distançant de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et en formant leur propre bloc, l’AES, en septembre dernier. Ce mouvement visait à affirmer l’indépendance de ces régimes face aux pressions et aux sanctions internationales.
L’Algérie, traditionnellement perçue comme un acteur clé dans la médiation des conflits au Mali, se retrouve désormais dans une position délicate. Depuis 2020, les relations entre Alger et Bamako se sont considérablement détériorées, notamment après les coups d’État militaires successifs. L’Algérie, qui a longtemps joué un rôle de médiateur, voit son influence réduite à mesure que le Mali s’éloigne de ses alliés traditionnels pour se rapprocher de nouvelles puissances comme la Russie et la Turquie.
Une issue incertaine
Les analystes s’accordent à dire que, bien que les tensions diplomatiques risquent de se poursuivre, une escalade militaire semble peu probable. Rida Lyammouri, analyste au Centre politique pour le nouveau Sud, estime que les deux pays éviteront un conflit ouvert, mais la guerre des nerfs pourrait s’intensifier. L’Algérie, surveillant de près ses frontières sud, reste prudente face aux nouvelles alliances militaires du Mali, notamment son rapprochement avec la Russie et l’acquisition de drones turcs.
La vidéo montrant les débris du drone turc, suite à l’abattage, a nourri les suspicions sur les intentions de la Turquie et sur le rôle que ce pays pourrait jouer dans l’armement des forces maliennes. Pour l’Algérie, cette situation soulève des inquiétudes quant à la présence accrue de puissances étrangères dans une région aussi stratégique.
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Ce nouveau chapitre dans la crise entre l’Algérie et l’AES souligne la fragilité des relations diplomatiques dans le Sahel, une région déjà secouée par des conflits internes, des menaces terroristes et des divisions politiques. Les tensions actuelles témoignent de la difficulté à maintenir un équilibre dans une région en proie à des luttes de pouvoir et des alliances stratégiques changeantes. Pour l’instant, la voie diplomatique semble la plus probable, mais la situation reste volatile et le dialogue nécessaire pour éviter une nouvelle escalade.
Afriksoir
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abattage drone malien