L’Asec Mimosas ne fait plus rêver comme il y a quelques années, l’équipe dirigée par Me Roger Ouégnin n’a plus gagné de trophée continental depuis 25 ans.
L’Asec Mimosas est le club le plus titré de Côte d’Ivoire. Depuis sa création en 1948, le club a raflé au total 28 titres de champion de Côte d’Ivoire, 20 Coupes nationales et 14 Coupes Félix Houphouët-Boigny. Après avoir conquis le football ivoirien, les Mimos ont réussi également à étendre leurs tentacules sur le continent où ils ont remporté, en 1998, le prestigieux trophée de la Ligue des champions, après une finale perdue en 1995. Au cours de ses an- nées fastes qu’on pourrait scinder en deux, l’Asec s’est surtout forgé une identité avec un football chatoyant et des joueurs de qualité.
A lire aussi : Asec Mimosas : « Notre football a besoin d’entrepreneurs-bâtisseurs qui agissent plus qu’ils ne parlent »
Deux grandes générations ont marqué la vie du club. Celle d’avant 1990 et celle d’après marquée par l’arrivée à la tête de l’équipe du juriste, Me Roger Ouégnin. L’Asec a en effet connu des joueurs de légende qui ont marqué son histoire. Ignace Wognin, Théo Dossou, Eustache Manglé, Laurent Pokou, Jean Kéita, Yoboué Konan, Youssouf Fofana font partie des grands animateurs de cette époque glorieuse avant les années 1990. Une période qui, malheureusement, n’a pas été couronnée par un titre continental attendu depuis longtemps par les supporters du club. Seulement deux demi-finales de Ligue des champions perdues en 1971 et en 1976 ont marqué cette époque sur le plan continental.
La révolution Roger Ouégnin
En 1989, alors que l’Asec n’avait plus gagné de titre de champion de Côte d’Ivoire depuis près de 10 ans, arrive Me Roger Ouégnin. Le jeune avocat âgé alors de 38 ans débarque avec des idées révolutionnaires et une farouche ambition de redorer le blason du club. Sa politique permet à l’Asec de reconquérir le titre de champion de Côte d’Ivoire en 1990. Il se lance également à la conquête de l’Afrique avec pour ambition de remporter le trophée continental.
En parallèle, le Pca du club lance également le projet de construction du club avec des infrastructures modernes. Pour relever ce défi, il a convaincu plusieurs joueurs ivoiriens évoluant en Europe à un retour au bercail. Un projet qui attire des joueurs comme Abdoulaye Traoré dit Ben Badi, Gadji Céli, Lucien Kassi Kouadio et même plus tard Youssouf Fofana.
La légion étrangère n’est pas en reste. Ishaya Jatau, Tarila Okorowanta, Sogbie Jonathan, Akim Ogunlade, Djibo Brah Taher pour ne citer que ceux-là feront les beaux jours du club. Une politique qui attire également les supporters, qui, très heureux de cette embellie participent massivement à la vie du club. L’Asec domine outrageusement les débats sur le plan local et est régulièrement dans le dernier carré des joutes continentales avant de soulever la coupe aux grandes oreilles en 1998 et la super coupe d’Afrique en 1999.
De la naissance de l’Académie Mimosifcom
Résolument tourné vers la construction du club qui nécessite beaucoup de moyens, les dirigeants se tournent vers la formation avec la création de l’Académie Mimosifcom. Un projet qui devait à terme permettre à l’équipe de vendre beaucoup de joueurs. Cet argent devait servir à accélérer la construction. Le projet est porteur. De gros talents naissent de Sol Béni mais les supporters n’en tireront pas longtemps profit suite à un conflit avec l’un des partenaires, Jean-Marc Guillou. La politique de recrutement du club bat ainsi de l’aile. Les talents se font rares et les meilleurs joueurs du club sont vendus au bout de deux ans. Les résultats ont du mal également à suivre sur le terrain. Conséquence, les supporters désertent les stades, l’Asec perd son rang dans le top des clubs africains, etc.
Comment retrouver sa flamme d’antan
L’équipe n’a disputé que deux demi-finales de Ligue des champions et une demi-finale de Coupe de la Confédération en plus de 20 ans, à partir des années 2000. L’Asec ne séduit plus ses supporters. Les Actionnaires ont du mal à retrouver cette équipe qui faisait rêver non seulement par son football chatoyant mais également par la qualité de ses joueurs. C’est devant des gradins vides que l’équipe se produit, même lors des grands rendez-vous continentaux.
« Malheureusement, l’Asec est devenu un club vendeur de joueurs. A partir de cet instant, les meilleurs ne peuvent pas rester longtemps. Il faut revoir le traitement des joueurs à la hausse », a déploré Kouadio Georges, ancien sélectionneur des Éléphants. « Ce qui détermine un grand club, c’est la qualité de ses joueurs, les supporters qui sont mobilisés. Pour convaincre tous ces supporters, il faut aller chercher aussi une coupe. Il ne faut plus jouer les seconds rôles, que ce soit en Côte d’Ivoire comme en Afrique. Il faut que l’Asec réussisse à recruter des joueurs de qualité », a-t-il ajouté.
Pour qu’une équipe soit compétitive, en effet, il faut que ses éléments clés ou les trois quarts de l’effectif restent ensemble pendant au moins 3 ans. « Si on ne peut pas le faire, il sera difficile de rivaliser sur le plan africain avec les grands clubs tels que le Wac (Maroc), l’Espérance de Tunis (Tunisie), Mamelodi Sundowns (Afrique du Sud), Al Ahly du Caire (Égypte)», a souligné pour sa part Brou Aka Pascal, journaliste sportif. Ancien du club et ex-international ivoirien, Aka Kouamé, lui, s’appuie sur la récente élimination du club en demi-finale de la Coupe de la Confédération pour at- tirer l’attention des dirigeants du club sur la nécessité de se doter d’un grand buteur.
« Il faut aller chercher des tueurs. Les tueurs, on en trouve partout en Afrique. A l’époque, on en avait de la trempe des Ishaya Jatau, Sogbie Jonathan, Santos Brown etc. », a-t-il déclaré. Ces perles rares qui existent encore sur le continent, affirme Kouadio Georges. « Certains clubs comme le Tp Mazembe en trouvent quand ils en cherchent. Des joueurs ivoiriens sont même passés dans ce club. A l’époque également, certains joueurs qui n’ont pas pu réussir en Europe sont revenus à l’Asec. Les supporters ont besoin de s’identifier à des joueurs. Ils veulent voir des stars », a renchéri l’ancien sélectionneur de la Côte d’Ivoire.
De l’absence d’un véritable rival
L’absence de véritable rivalité et la baisse du niveau général du football ivoirien sont également évoquées comme l’une des causes de cette perte de vitesse de l’Asec Mimosas. « L’Asec a les infrastructures, tout ce qu’il faut pour être parmi les meilleurs. Mais le niveau de notre football a complètement compliqué les choses. On doit se servir de la Can que nous organisons pour mener une réflexion générale sur le niveau du football ivoirien. Il faut prendre le taureau par les cornes au risque de faire du surplace alors que des pays comme le Sénégal, le Burkina et le Mali font plus d’efforts », précise Brou Aka Pascal.
Il est vrai que dans un pays, il faut qu’il y ait des derbys et de la rivalité entre de grands clubs pour qu’on ait des matches de niveau élevé. Mais il faut d’abord s’organiser comme un grand club. Cette rivalité n’est pas forcément un élément fondamental. Il faut une vision, une organisation, un choix de la part des dirigeants pour avoir de grands joueurs qui peuvent rester sur la durée. Emmanuel Koffi, journaliste sportif, va plus loin en demandant une implication de l’État de Côte d’Ivoire pour aider le club à retrouver son lustre d’antan.
Cliquez ici pour vous abonner à lvoir’Hebdo, meilleur journal d’investigation de Côte d’Ivoire et première meilleure vente
«Me Roger Ouégnin avait mis à ses côtés des personnes qui partageaient la même vision que lui et qui l’aidaient à suivre les orientations qu’il donnait au club. A lui de voir dans quelle me- sure tirer les leçons de cette période et faire une projection dans le futur. Il faut que l’État l’aide aussi. Ça peut être financièrement ou sur le plan logistique », estime-t-il. L’heure de la réflexion a donc sonné pour Me Roger Ouégnin et son staff. La construction du club est une priorité mais il faut continuer à entretenir la flamme avec des résultats, surtout sur le continent. L’Asec doit retrouver son identité avec un spectacle qui attire du monde et avec un effectif de qualité.
Fraternité Matin
Asec Mimosas trophée continental, Asec Mimosas trophée continental