« L’affaire Porta Potty doit amener à questionner l’origine de l’enrichissement de nouveux « modèles » de la jeunesse ivoirienne » (Sociologue)

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Alex N’goran, sociologue et consultant indépendant
Alex N’goran, sociologue et consultant indépendant
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Alors que l’affaire Dubaï Porta Potty continue de se propager comme une traînée de poudre, la Côte d’Ivoire des bonnes mœurs est dans la tourmente. Des Ivoirien.ne.s se turlipine les méninges pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette pratique jugée immorale. Qui mieux qu’un sociologue pour éclairer nos lanternes ? Alex N’goran, sociologue et consultant indépendant a volontiers accepté de répondre à nos questions. 

Qu’est-ce qui expliquerait la volonté d’enrichissement rapide de certains Ivoiriens ou Ivoiriennes de nos jours ?

Effectivement, nous constatons une volonté chez beaucoup de personnes de parvenir à la richesse matérielle rapidement. Maintenant, est-ce quelque chose de spécifique au cas ivoirien ? Je ne pense pas. Cependant, restons sur le cas ivoirien puisque c’est de cela qu’il est question et que nous sommes contemporains du fait. À la base de cette société du « chap chap » se pointe une crise des valeurs morales et sociales. Des valeurs cardinales telles que le travail, la patience et l’endurance semblent ne plus payer aux yeux de beaucoup. Ceux qui sont considérés comme des modèles de réussite depuis un moment n’ont pas forcément emprunté les voies classiques de réussite dont ces valeurs constituent le fondement.

Recourir à la violence, au clavier (broutage), au buzz (réseaux sociaux), au monnayer de son corps peu importe la manière, etc. sont autant de chemins empruntés de plus en plus par les Ivoirien.ne.s pour exister socialement, sinon, pour paraître tout en adoptant des modes et styles de consommation ostentatoires. Le maître-mot de cette « société du chap chap » c’est l’argent, toujours l’argent et encore l’argent. Aujourd’hui vous êtes respectés pour ce que vous avez comme biens matériels et non pour ce que vous êtes.

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Prosaïquement, l’adage dit « tu n’as rien, tu n’es rien » avec comme sous-entendu, l’avoir qui correspond ici à la richesse matérielle, à l’argent notamment. Le pathologique est devenu la norme, de telle sorte que des contre – modèles deviennent des modèles pour la jeunesse. Regardez un peu sur les plateaux télé, qui sont ceux ou celles qui sont présenté.e.s comme modèles ? Je vous laisse apprécier. Les institutions comme la famille ou encore l’école censées être des garde-fous moraux sont elles-mêmes en déliquescence. L’ un mis dans l’autre, c’est tout ça qui laisse place à cette course effrénée à la richesse sans questionnement éthique et moral.

Qu’est-ce qui peut pousser une personne normale à se rendre à Dubaï pour manger des excréments humains ?

Derrière cette pratique pour le moins insolite, il y a une explication, fusse-t-elle aux antipodes de nos valeurs morales. Pourquoi Dubaï ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi a-t-on vite fait d’accorder créance à « l’affaire porta porty » sans pousser les investigations ? Est-ce une pratique volontaire ou forcée ? Je pense que ce sont-là des interrogations qui me semblent avoir plus de pertinence par rapport à ce scandale qui fait l’actualité.

Mais, pour répondre à votre question, la raison est comme je l’ai dit plus haut l’argent ou si vous voulez, c’est un besoin de paraître socialement en ayant un mode de consommation de luxe violent et ostentatoire donnant le sentiment d’appartenir à une communauté de distingué. e. s. Violent et ostentatoire dans le sens où par ce mode de consommation, il faut choquer l’entendement de ses followers à travers des photos époustouflantes en nous exhibant dans des vols en business class, dans des hôtels étoilés revêtu.e.s de vêtements de marques avec coupes de champagne et téléphones de dernière génération en main. C’est à dire, un style de vie à la Kim Kardashian qui nous démarque « des autres » en nous faisant intégrer la catégorie « des uns » tant convoitée et parfois jalousée.

Même s’il faut s’adonner à la scatophilie, aucun sacrifice semble être de trop, quitte à piétiner ses propres valeurs, encore si valeurs il y avait. De toute les façons, ils vous diront « on est déjà née ». L’essentiel pour ces personnes, c’est de faire du cash et présenter une vie de rêve sur la toile avec l’illusion d’appartenir au « monde des grands ». Dubaï, tel que le laisse transparaître les témoignages est devenu « l’Eldorado d’une prostitution masquée de luxe » dont les mis en cause sont les acteurs de l’économie du numérique (influenceurs, influenceuses), les artistes, les miss, les acteurs de cinéma, etc…

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Vrai ou faux, là n’est pas le problème. L’essentiel, c’est que l’affaire Porta Potty se révèle être un analyseur pour questionner, sinon re-questionner, l’origine de l’enrichissement de ces nouvelles figures qui sont parvenues à s’imposer comme « modèle » pour une frange considérable de la jeunesse en Côte d’Ivoire.

Réalisé par Patrick Krou

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