Le Mali s’achemine-t-il vers une mise à mort du pluralisme politique ? C’est la crainte exprimée par de nombreuses voix de l’opposition et de la société civile, alors que la phase régionale des consultations des « forces vives » sur la relecture de la Charte des partis politiques s’est achevée jeudi 17 avril. Prochaine étape : la phase nationale, prévue à la fin du mois. Mais déjà, les conclusions régionales laissent entrevoir une volonté nette de la junte de dissoudre les partis politiques existants.
Dans son édition du 18 avril, Radio France Internationale (RFI) rapporte que cette idée de dissolution est revenue avec insistance dans toutes les régions concernées par la consultation : « À Ségou, Bamako, Tombouctou, Sikasso… la dissolution de tous les partis politiques du Mali est une conclusion presque unanime », note le média international.
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Une uniformité troublante, qui fait dire à Ismaël Sacko, président en exil du Parti social-démocrate africain (PSDA), que cette consultation n’est qu’une « mise en scène ». Toujours selon RFI, l’opposant, désormais membre de la Coalition Sahel Démocratie, estime qu’« on leur a demandé de le dire, de l’écrire. C’est la même proposition au niveau de toutes les régions, donc on comprend que c’est une volonté de la junte. C’est un diktat ».
Vers un paysage politique verrouillé
Selon les propositions recueillies par RFI, la suppression des partis existants serait suivie de la création de deux ou trois grands blocs – une majorité, une opposition et éventuellement un centre – dans une configuration proche des modèles politiques à parti unique ou à pluralisme limité.
Une démarche dénoncée par les défenseurs du multipartisme, acquis au prix du sang en mars 1991, lors de la chute du régime dictatorial du général Moussa Traoré. « Ce serait un recul démocratique », avertit Ismaël Sacko dans les colonnes de RFI. « Les Maliens ont opté pour le multipartisme intégral : ils ont le droit de créer le parti qu’ils veulent, d’y adhérer et de choisir leurs candidats, leur président ! »
Une réponse politique en gestation
Face à ce qu’elle considère comme une dérive autoritaire, l’Initiative des partis politiques pour la charte (Ipac), qui regroupe 101 partis politiques maliens – dont les principales formations historiques – a vivement réagi. Déjà en mars, elle avait proposé des pistes de réforme visant à rationaliser le paysage politique sans remettre en cause les libertés fondamentales : réduction du nombre de partis, encadrement du financement public, moralisation de la vie politique…
Le 15 avril, l’Ipac a dénoncé l’orientation prise par la transition, y voyant un « objectif inavoué » de concentration du pouvoir. Une nouvelle réunion est prévue ce dimanche 20 avril à Bamako pour coordonner une réponse politique concertée.
La Coalition Sahel Démocratie, composée d’opposants maliens, nigériens et burkinabè en exil, dénonce une « consultation de façade » et une tentative de museler l’opposition organisée. RFI souligne également que cette dynamique s’inscrit dans un contexte plus large où les régimes militaires de l’Alliance des États du Sahel (AES) semblent converger vers des modèles politiques de plus en plus fermés.
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Alors que la phase nationale de la consultation approche, l’inquiétude grandit dans les cercles démocratiques maliens. La communauté internationale, jusqu’ici prudente, est désormais interpellée face à ce qui pourrait être un tournant décisif pour l’avenir politique du pays.
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