Plus d’une semaine après que des femmes ont marché au Plateau, dans les environs du Palais de justice, pour s’insurger contre les vidéos de l’activiste Johnny Patchéko, le pouvoir a dispersé sans ménagement une assemblée générale d’un groupe d’enseignants ivoiriens, à la Cathédrale Saint Paul. L’illustration d’une fébrilité qui semble avoir gagné le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix. Si ce n’est pas la fébrilité, ça y ressemble fort. A 8 mois de la prochaine présidentielle ivoirienne, la restriction des libertés publiques gagne en intensité en Côte d’Ivoire.
Outre la criminalisation des opposants, l’aménagement du code pénal, le régime d’Alassane Ouattara a décidé de régenter aussi les associations. Il a donc révisé par ordonnance la loi sur associations, qui fait grincer des dents jusque dans les lieux de culte. Si elles cachent mal un sentiment de fébrilité, ces restrictions se traduisent sur le terrain par un recours excessif à la force et un regain de la brutalité contre les citoyens ivoiriens. Dernier signe en date de cette dérive qui gagne du terrain, la répression sans ménagement d’un groupe d’enseignants, qui avait prévu de se retrouver en assemblée générale, mercredi dernier au Plateau, dans l’enceinte de la Cathédrale Saint Paul. Mal leur en a pris, puisqu’ils ont été dispersés avec une brutalité sans commune mesure, certains ayant été arrêtés et conduits à la préfecture de police et à la brigade de recherche.
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Et pourtant, moins de dix jours auparavant, des femmes se réclamant du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) avaient battu le pavé dans la même zone, au Plateau, pancartes à la main. A l’invitation de plusieurs leaders féminines dont des membres du gouvernement, les manifestantes avaient protesté contre le cyber-activiste Johnny Patchéko, sans être inquiétées. Pourquoi ce deux poids, deux mesures ? Au-delà d’avoir interdit dans la pratique les manifestations publiques dans les rues, depuis plus de dix ans, le régime d’Alassane Ouattara, pense voir dans les marches projetées aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur du pays la main de ses opposants. Persuadé que la manifestation des femmes de son bord ne constituait pas une menace pour lui, il a donc laissé faire. Par contre, face aux enseignants, qui ont réussi à paralyser l’école ivoirienne en octobre 2024 et qu’il croit manipulés par l’opposition, a recouru à la force.
DEUX POIDS, DEUX MESURES
« Cette grève est illégale », avait jugé le porte-parole du gouvernement, à l’issu d’un conseil des ministres dont l’une des décisions fortes, a été la ponction sur le salaire des enseignants grévistes. « Le gouvernement a décidé de suspendre le salaire des 26 fonctionnaires identifiés comme les principaux instigateurs de cette grève », avait rendu compte Amadou Coulibaly, au nom du gouvernement, qui avait opté pour le bras de fer avec les enseignants. C’est la suite de cette confrontation ou non qui devait être discutée au cours de l’assemblée générale de mercredi dernier et que le régime Ouattara a dispersé sans se poser de question. Autre lieu, même méthode.
« Le gouvernement répond aux préoccupations en fonction de ses ressources et de ses capacités. Certaines préoccupations sont financières, d’autres sont structurelles mais, tout cela ne se décide pas comme ça, il faut bien analyser et il y a tout un processus qui est en cours. Sous l’ère du président Ouattara, la porte est ouverte aux discussions. Donc la porte est ouverte au dialogue, la porte est ouverte à la négociation. Il faut aller à la discussion (…) Toutes les avancées que les travailleurs ont obtenues, depuis que le président Ouattara est au pouvoir, l’ont été sans grève », avait opposé le ministre de la Communication à des agents des collectivités, qui avaient prévu de reconduire leur grève du 19 au 25 février dernier.
A Yamoussoukro, des enseignants de l’Institut polytechnique Félix Houphouet-Boigny, avaient eux aussi programmé le week-end dernier un conclave. Aux dernières nouvelles, les organisateurs ont préféré s’en tenir à la dissuasion qu’ils auraient reçu des forces de l’ordre de la capitale politique ivoirienne.
RESTRICTIONS
Quelques jours plus tôt, c’est une autre réunion qui a été empêchée par le préfet de Yamoussoukro, note administrative à l’appui. C’est que, le 13 février, nanan Anvo, considéré par une partie du peuple baoulé comme son roi, avait prévu de recevoir chez les Banny, les vœux de ses sujets. Cependant, le monarque dont la légitimité est contestée par une partie du peuple baoulé (jugé favorable au pouvoir) et qui n’a pas accès au trône situé dans le pays Walèbo, à Sakassou, n’a pu voir son projet aller à son terme. « Je vous demande d’entrer en contact avec les organisateurs afin de les en dissuader », a ordonné le préfet Coulibaly Gando à ses services. Derrière ces réactions excessives, se cachent en réalité une fébrilité du pouvoir. En janvier, quand éclate une suspicion sur une importation de nitrate d’ammonium, le porte-parole du gouvernement est mal à l’ais.
« Je ne vois pas pourquoi on veut forcément jouer sur la peur et affoler les populations s’il n’y a pas une autre intention derrière. Les explosifs sont dangereux mais, quand les miniers font rentrer des explosifs dans le pays, ça ne soulève pas pareille psychose. Ce n’est pas le seul cas de produit dangereux qui rentre. Les produits dangereux font partie de la vie de tout pays, de leur industrialisation, etc. Après, c’est leur usage qu’il faut regarder. Et là, leur usage est très clair, c’est pour la fabrication d’engrais », répond l’air agacé par le sujet Amadou Coulibaly, quand un journaliste l’invite à rassurer les Ivoiriens.
FEBRILITE
Même le très calme Bruno Koné est piqué au vif face à la presse, jeudi dernier, sur le sujet des litiges fonciers qui agitent le pays depuis près d’un mois. Le ministre de la Construction, pense comme les militants du Rhdp : il voit derrière l’explosion des plaintes, une manipulation politique. « Ne politisons pas ce qui n’est pas politique », exhorte-t-il, après avoir expliqué, un mois plus tôt, que les problèmes du foncier, « ne datent pas de maintenant ». Sur le terrain politique, la force du Rhdp s’exprime autrement. Qui mieux que l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro et son mouvement, pour évoquer cette dérive du Rhdp. « On criminalise les opposants pour mieux les abattre (…) la machine à museler l’opposition, à l’approche de l’élection présidentielle de 2025, est lancée et tourne à plein régime. Toutes les voix critiques sont condamnées à l’extinction par la menace, la violence policière ou la répression judiciaire », avait protesté GPS, dans une déclaration en date du 15 octobre 2024.
CRIMINALISATION DES OPPOSANTS
« La liberté d’expression et de réunion, pourtant garantie par la Constitution, est systématiquement bafouée et l’expression d’une opinion dissidente constitue un crime de lèse-majesté en plein XXIe siècle. Sous le régime Ouattara, chaque critique ou rassemblement pacifique est perçu comme une menace et sévèrement réprimé. La judiciarisation de la vie politique en Côte d’Ivoire reflète le refus de dialogue du régime. Elle est symptomatique des régimes autoritaires qui recouvrent leurs dérives d’un vernis juridique. Ce phénomène, connu sous le terme de ‘’lawfare’’, permet au gouvernement de neutraliser ses adversaires politiques en utilisant la loi, la justice. En Côte d’Ivoire, sous le régime d’Alassane Ouattara, les magistrats, au lieu de défendre la vérité et la justice, cautionnent les arrestations politiques infondées, les détentions arbitraires, ainsi que les violations des libertés fondamentales, telle que la liberté de réunion pacifique et d’expression. Ces atteintes touchent sans distinction les membres de la société civile, les cyberactivistes, les leaders syndicaux, les enseignants, les agents de la santé, les journalistes, les artistes et bien entendu, les militants de l’opposition.Autrefois garante des droits et libertés publiques pour tous, la justice s’est aujourd’hui transformée en un outil instrumentalisé au service exclusif du régime Rhdp pour asseoir son pouvoir et réprimer toute forme de contestation », avait ajouté le mouvement de l’ex-Premier ministre dans la déclaration. Toutes ces situations semblent interpeller des consciences nationales comme le nouvel archevêque d’Abidjan.
« Nul n’ignore que la paix est le fruit de la justice, dans une symphonie orchestrée entre justice, paix, amour et vérité. Que la paix advienne, qu’elle se consolide, dans une recherche et une poursuite inlassable de la justice qui se décline en respect des droits inaliénable de tous, sans discrimination ni favoritisme. La justice, le respect des droits et la discipline s’appellent mutuellement. Que par nos prières, le seigneur vous accorde la sagesse et la prudence nécessaires pour aider les cœurs de concitoyens et des habitants de ce pays à épouser la justice, le respect des droits des uns et des autres et la discipline sans laquelle rien de beau et de bon ne peut s’obtenir », interpelle début janvier Mgr Ignace Bessi Dogbo, s’adressant à Alassane Ouattara. Toutefois, l’exhortation du guide religieux, paraît avoir glissé sur le costume du chef de l’Etat, intéressé par un 4e mandat.Générations NouvellesGuillaume Soro, aux femmes de Côte d’Ivoire: « Vous êtes les piliers de nos familles .. »
« A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le leader de Générations et peuples solidaires, Guillaume Soro, a adressé un message d’espoir aux femmes de Côte d’Ivoire. « En cette Journée internationale des droits des femmes, mes pensées les plus chaleureuses et toute mon affection vont vers vous, femmes courageuses qui portez nos familles et notre société, avec force et dignité. Je tiens à vous exprimer toute mon admiration pour votre résilience et votre contribution inestimable. Vous êtes les piliers de nos familles, les moteurs de notre économie et les gardiennes précieuses de nos valeurs.
Mes fonctions antérieures au service de l’État de Côte d’Ivoire m’ont permis de rencontrer partout dans notre pays des femmes fortes et déterminées : des mères-courage qui se battent quotidiennement pour la scolarisation de leurs filles, pour obtenir des crédits, accéder à des soins de santé adaptés ou simplement pour faire respecter leur dignité. Ces expériences m’ont convaincu que les femmes sont véritablement l’avenir de notre nation. Parce que je connais ces réalités difficiles, mais toujours porteuses d’espoir, je réaffirme mon engagement ferme à œuvrer en faveur d’une véritable égalité entre femmes et hommes.
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Je veillerai, chaque fois que l’occasion m’en sera donnée, à renforcer la participation des femmes aux postes de décision, à favoriser leur autonomie économique, à améliorer leur accès aux nouvelles technologies, et surtout, à investir dans la lutte contre toutes les formes de violences dont elles sont victimes. J’en suis profondément convaincu : un pays qui permet aux femmes de réaliser pleinement leurs rêves garantit à toute la société une prospérité juste, inclusive et durable. Bonne fête à toutes les femmes !
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