Malgré une supériorité numérique et une augmentation significative de son budget militaire, l’armée congolaise (FARDC) ne parvient toujours pas à stopper l’avancée du groupe rebelle M23 dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Comment expliquer cette incapacité ?
Face à l’intensification des combats dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), le président Félix Tshisekedi a annoncé une contre-offensive de grande envergure contre le groupe armé Mouvement du 23 mars (M23) et ses soutiens. Dans un discours télévisé ce mercredi 29 janvier 2025, il a dénoncé l’inaction de la communauté internationale et mis en garde contre une possible escalade du conflit dans la région des Grands Lacs.
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« Une riposte vigoureuse et coordonnée contre ces terroristes et leurs parrains est en cours », a déclaré le chef de l’État congolais, exprimant sa détermination à restaurer la souveraineté du pays. Il a souligné que la situation sécuritaire dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri s’est considérablement dégradée, menaçant la stabilité de toute la région.
Selon plusieurs experts, la principale faiblesse des FARDC réside dans la corruption systémique qui mine ses rangs. Alain De Neve, chercheur au Royal Higher Institute for Defence (RHID) à Bruxelles, souligne que des fonds destinés aux salaires et à la logistique disparaissent régulièrement, ce qui affaiblit le moral des troupes. « Certains soldats se retrouvent sans solde et doivent recourir au racket ou au pillage pour survivre », explique-t-il. Cette situation favorise les désertions et réduit la capacité opérationnelle des forces armées congolaises.
Outre la corruption, l’armée souffre d’un manque de commandement efficace. De nombreux officiers ont été accusés d’incompétence et de favoritisme. Dans un rapport de l’ONU l’on peut lire qu’en février 2023, alors que les rebelles menaçaient la ville stratégique de Goma, les autorités militaires et provinciales ont fui en catimini, abandonnant leurs soldats. Ce manque de leadership sape la confiance des troupes et nuit à la cohésion militaire.
Des ressources mal exploitées et une formation insuffisante
En dépit d’un doublement des dépenses militaires, atteignant 794 millions de dollars (397 milliards en 2023 selon l’Institut de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), l’armée congolaise souffre d’un cruel déficit en équipements et en formation. Les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, bénéficient quant à eux d’un entraînement structuré et d’armes modernes. L’armée rwandaise, qui intervient dans plusieurs missions internationales, apporte un appui stratégique déterminant aux rebelles, leur permettant de dominer le champ de bataille.
Le M23 exploite parfaitement la topographie du Nord-Kivu, une région montagneuse difficile d’accès. Ses tactiques de guérilla lui permettent de frapper rapidement et de se replier avant toute riposte des FARDC. De plus, l’armée congolaise peine à établir des alliances avec les milices locales qui pourraient l’aider à contrer les rebelles. « Combiner des forces régulières avec des groupes armés locaux aux stratégies différentes est un défi presque insurmontable », relève l’analyste de défense Alain De Neve.
Malgré son effectif réduit, estimé à quelques milliers de combattants, le M23 sème la terreur dans les zones qu’il contrôle. « Les exactions et crimes de guerre commis par les rebelles engendrent un climat de peur qui empêche toute résistance locale », explique l’expert belge. Ce climat d’insécurité renforce le contrôle du M23 sur les territoires conquis, rendant difficile toute reconquête par les FARDC.
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Face à ces défis, le gouvernement de Félix Tshisekedi doit impérativement réformer son armée s’il veut espérer inverser la tendance. Une meilleure gestion des ressources, une lutte efficace contre la corruption et une modernisation des forces armées sont indispensables pour permettre aux FARDC de rivaliser avec le M23 et de rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national. L’issue du conflit demeure incertaine, mais tant que ces problèmes structurels ne seront pas résolus, la supériorité numérique et budgétaire de l’armée congolaise ne suffira pas à faire la différence sur le terrain.
Prince Beganssou
RDC : Félix Tshisekedi promet « une riposte vigoureuse et coordonnée » contre le M23 et ses parrains