Exhibition, vie facile, gaspillage à outrance, vie de débauche, de manipulation et d’extorsion, sont le quotidien de certains jeunes arnaqueurs appelés ‘’Brouteurs’’, la vie prisée par les jeunes ivoiriens qu’ils nomment ‘’ la vie du décalé coupé’’. Nous avons immergé dans ce milieu avec le regard d’Hussein M.
Tranche d’âge de 16 et à 29 ans, tous, un seul idéal mener la ‘’vie de Lougah’’ notamment la belle vie faite de luxe et de gaspillage des gains à acquérir sans le moindre effort au détriment de leur ‘’client’’, nom donné à leur victime, en allant même à leur ruine. Selon Hussein M. l’initiation ne dure que 30 minutes pour les intelligents ou plus pour certains. Il s’agit pour le jeune créer un compte Facebook, Yahoo ou tout autre compte permettant un échange. Après la création de compte, le jeune doit s’inscrire sur des sites de rencontre dont Hola.com ou Twoo. Com acquis au prix de fortes sommes que débourse l’arnaqueur auprès des autres collègues.
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Dans le milieu pas de sentimentalisme, tout s’obtient à coups d’argent et il y a même des fournisseurs. Les sites cités ci-dessus selon leurs dires sont fréquentés par des personnes nanties et fortunées. Pour justifier leurs actes, ils se plaisent à dire que toutes les personnes qui se connectent par le biais de l’Internet sont des personnes peu fréquentables donc ils n’ont aucune pitié pour les dépouiller. Une excuse pas fondée pour donner une raison valable à leur crime. Notre interlocuteur du jour Hussein M. sans pour autant quitter le milieu, essaie tant bien que mal de s’en défaire, nous explique son immersion dans le milieu.
La vie prisée par les jeunes ivoiriens
« J’ai été initié par des amis en voyant le train de vie qu’ils mènent. Ça m’a attiré et poussé à intégrer l’environnement. J’ai vite assimilé la procédure. Si on peut le dire, j’ai croisé un homme, un français qui vit à Saint-Etienne. Je ne suis pas présenté en tant que homme. J’avais un profil de femme, plus précisément une femme blanche qui vit à Paris. Je me suis donné comme âge 30 ans et j’avais un chien, une caniche. De surcroît j’étais veuve. »
« Je me suis inventé des habitudes notamment des sorties au parc pour ne pas qu’il soupçonne le fait que je ne sois pas connecté tout le temps. J’ai oublié de mentionner qu’il était entrepreneur. Au fil du temps, il s’est mis à aimer. C’est là que j’en ai profité pour lui demander 120.000 frs. J’avais installé un logiciel qui me permettait de le faire croire que je vivais à Paris. Ce logiciel permet comme on le veut de proposer une destination voulue à son ‘’client’’. J’ai réussi pour tout à lui soutirer 2.000.000 frs. Ensuite j’ai supprimé le compte pour en créer un autre », a-t-il indiqué.
Il utilise des talismans et autres envoûtements pour pousser la personne arnaquée à donner sans compter
Dans cette arnaque, il y a deux types : celle appelée ‘’love’’ et une autre qu’il nomme ‘’héritage’’. Dans l’arnaque ‘’love’’, le monsieur ira voir un marabout en vue de soutirer plus d’argent au ‘’client’’. Il utilise des talismans et autres envoûtements pour pousser la personne arnaquée à donner sans compter et ne pas se prendre compte du piège dans lequel il se trouve. Ainsi d’autres iront jusqu’à percevoir de leur victime des sommes faramineuses. Sur ce fait, Hussein M. nous raconte une anecdote qui est portant vraie.
« Mon ami Mamadou à force d’avoir ruiné son ‘’client’’, s’est transformé en un boy scout pour venir en aide à sa victime en lui envoyant chaque semaine une somme allant de 100.000 à 200. 000 frs sous l’effet de l’enchantement, elle ne se rend même pas compte qu’elle a été dépossédée de ses biens, et voit son bourreau comme son sauveur. », exprimé-t-il. Quant à l’ ‘’héritage’’ c’est le ‘’broutage’’ où les sommes sont plus élevées en allant de 20 à 100 millions de francs CFA. Dans ce genre d’arnaque, ils n’ont pas besoin de surfaire leur physique mais plus c’est le personnage qui reçoit des fonctions fictives. L’arnaque implique le système bancaire. Et pour ce, l’individu doit disposer d’un compte bancaire fictif. Il va se procurer des documents à la banque, se crée un faux compte.
Le quotidien de certains jeunes arnaqueurs appelés ‘’Brouteurs’’
« Je me procure des documents bancaires. Je me crée un faux compte avec des noms et prénoms imaginaires, sur ce compte est accréditée une forte somme de 100 millions. Et je m’invente une histoire dans laquelle j’ai un énorme héritage qui se trouve bloqués à la banque. J’ai besoin de retirer mon héritage mais je ne peux pas accéder à cet héritage ». Il a besoin d’au 500.000 frs. « Je lui propose 40% de part sur cet héritage. Pour le rassurer je lui transmets le code du compte bancaire. Ce code et ce compte sont valables soit en 24 heures ou 48 heures ».
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Ce code fictif s’obtient grâce un logiciel qui t’introduit dans le circuit bancaire et qui s’acquiert au coût de 500.000 frs auprès de certains arnaqueurs. Après vérification du ‘’ client’’ qui grâce à cet entre loupe lui permet de voir le compte bloqué, est rassuré et pour le mettre plus en confiance, il élève encore les enchères en proposant 50 à 60% des parts. Lorsque le ‘’client’’ semble conquis, interviendront dans la transaction d’autres personnes inventées de toutes pièces : notamment un juge qui en charge le dossier, son avocat qui le défend, toutes ces personnes automatiquement créées par le logiciel. Il arrive qu’on achète des dossiers auprès des autres arnaqueurs.
« C’est une forme de travail alors si tu ne travailles pas, tu ne peux pas manger »
Au cas où ‘’ le client’’ veut encore se rassurer auprès des personnes citées, un autre stratagème est mis en place. Il crée par le biais d’un téléphone un numéro européen où l’avocat appelé peut répondre avec un accent ou l’arnaqueur lui-même. Ce téléphone qui fait ces prestiges à un prix qui varie entre 25.000 à 50.000 frs. Grâce ce coup, l’arnaqueur peut se trouver avec 500.000 à 1.000.000 frs. Après le méfait celui-se déconnecte durant deux jours. Après les deux jours, il se reconnecte avec le même client ; il lui sort une histoire rocambolesque. Soit il a été victime d’un arnaqueur, soit d’un voleur ; il lui promet de lui rembourser l’intégralité de son argent. Il réclame une autre arnaque avec le même ‘’client’’.
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Le même processus est répété avec une autre histoire plus invraisemblable que la première. Cette fois-ci le ‘’client’’ sera saigné jusqu’aux os. Il sortira avec plus d’un million laissant la victime sous paille et criblée de dettes, ce qui conduit souvent la plupart des victimes au suicide. Après le délit, le plus souvent c’est les coups d’éclats dans les boîtes et maquis de la place en claquant l’argent impunément gagné. « C’est l’argent qui n’est pas donné à la famille c’est maudit et ça n’aboutit à rien. Même ‘’Gbé’’ c’est-à-dire avoir de l’argent, la famille est toujours pauvre. C’est une forme de travail alors si tu ne travailles pas, tu ne peux pas manger. C’est une drogue ; quand on y prend goût, on ne peut plus s’arrêter », conclu-t-il.
Laurence Oulaï
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