Cher collègue, réagissant à l’une de mes publications d’hier relative aux nominations à l’UAO, vous me prêtez des sentiments de haine contre les compatriotes du Nord (nordistes). Je vous cite « Que votre haine contre les nordistes ne vous empêche pas de garder votre conscience intellectuelle ».
En me caricaturant de la sorte, vous touchez le fond de ce vase ethnico-tribal que je tiens en horreur et à équidistance de mon éducation. Venant d’un professeur d’université, philosophe, avec toutes les valeurs morales et humaines qui ennoblissent cette discipline, ce manichéisme intellectualisant (axiologie du Mal vs Bien) nous plonge dans le creux de la vague alors que nous devons ensemble chercher des solutions de sortie cette crise qui perdure. J »ai conclu ma réaction en disant que je vous laissais assumer vos propos à mon encontre.
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A la suite de votre publication, des profils majoritairement à l’identité ethniquement révélatrice, comme poussé par le prosélytisme bouillant dans le chaudron des tribus assiégées d’une certaine époque, sont venus sur ma page et inondés d’autres plateformes pour pousser la chansonnette rébarbative du Professeur Alger Ekoungoun, l' »anti nordiste » et le « haineux ». Même certains étudiants ont pris le risque de faire voler en rase-mottes les bâtardises de leurs incartades éducationnelles.
Sentiments de haine contre les compatriotes du Nord
Des étudiants qui agressent leurs enseignants, les humilient, voici le spectacle affligeant qui s’affiche au fronton de notre université. Nous en sommes arrivés là à cause de la liquéfaction totale de la pensée dans les universités ivoiriennes pour des postes et pour des strapontins. La pensée unique en vogue est une crise de l’être. Elle canonise le non-être. Face à cette crise, l’universitaire se doit d’être stellaire. C’est cette stature que mon maître Barthélemy Kotchy m’a enseigné en me répétant autant de fois sa formule latine fétiche : « semper duc in altum ». Toujours aller plus loin et plus haut. C’est en cela que l’universitaire a la flamboyance de l’Albatros (pour le poète) et la sagesse de la Choutte de Minerve (pour l’Athenien).

Cher collègue Samba Diakité et al., je ne suis pas un universitaire de la cinquième colonne. Donc, je ne peux pas être un « anti-nordiste ». D’ailleurs, si vous savez où ceux que vous affublez d' »anti-nordistes » prennent leurs quartiers pour dire des messes noires au dieu de la haine « anti-nordiste », vous me rendriez un bien meilleur service en me communiquant les coordonnées de leur géolocalisation afin que je puisse programmer, dans leur sanctuaire, mon cours magistral, intitulé « Comparatisme et Altérité », que je professe depuis des années en Licence 2, Lettres modernes. Aidez-moi donc à délivrer ces « anti-nordistes » et ces « haineux » de leur messianisme de mauvais aloi.
Placée au cœur de toute vie sociale, l’Altérité pose les problèmes fondamentaux, certes, du rapport à l’Autre, mais aussi de rapport à soi-même
Mon enseignement sonnera comme l’hallali pour ces « anti-nordistes » et ces « haineux » auxquelles vous m’identifiez. Voici, pour vous en convaincre, la substance de mon cours de « Comparatisme et Altérité ». Placée au cœur de toute vie sociale, l’Altérité pose les problèmes fondamentaux, certes, du rapport à l’Autre, mais aussi de rapport à soi-même (identité). Le statut de l’Autre à travers la problématisation de l’altérité est opératoire pour comprendre les grands fléaux de notre monde en désarroi comme le racisme, l’ethnocentrisme, la xénophobie et l’intolérance.
Transformer le regard sur l’Autre représente, aujourd’hui, un réel enjeu pour l’enseignement de la littérature comparée dans la mesure où l’Université, l’Ecole en général, est le lieu par excellence de l’apprentissage du « vivre ensemble », et, donc, du dialogue des cultures. IL APPARTIENT AUX COMPARATISTES DE FAVORISER LA CIRCULATION DES TITRES QUI NE SOIENT PAS REDUCTEURS ET QUI RESPECTENT LA DIFFERENCE ET LA COMPLEXITE CULTURELLE D’AUTRUI.
Plusieurs étudiants ayant suivi cet enseignement, sont inscrits (master / Doctorat) sous ma direction. Ils sont nombreux à effectuer des recherches sur différentes problématiques de l’Altérité. La majorité provient du Nord de la Côte d’Ivoire. Je pourrai volontiers vous tenir copie de la liste des étudiants que j’encadre. Vous y constaterez la forte proposition des étudiants « nordistes » avec lesquels j’ai des rapports cordiaux.
Sentiments de haine contre les compatriotes du Nord
Cher collègue et al., saviez-vous que l' »anti-nordiste » et le « haineux » vient de boucler une recherche doctorale avec Mohamed Konate ? Cet étudiant brillant et respectueux que j’appelle affectueusement mon « fils » m’assiste dans mes enseignements et est constamment à mes côtés au bureau. Saviez-vous que l' »anti-nordiste » et le « haineux » que je suis à travailler durant des années avec ce doctorant afin de faire lui l’un des meilleurs experts sur les questions islamistes et terroristes qui se déploient aussi bien dans l’actualité sociétale que dans la littérature et dans le cinéma africain (Le terrorisme en fictions, tel son sujet de thèse…).

Une autre preuve pour encore vous donner des arguments de mon « anti-nordiste » et ma « haine » contre les nordistes. Sur la photo en illustration, et sans faire d’amalgame parce que tous les ressortissants du nord ne sont des musulmans et ne portent pas le voile, voyez-vous cette étudiante voilée ? Bintou Touré, elle s’appelle. C’est l »‘anti-nordiste » et le « haineux » que je suis qui a permis à cette dame dont je n’ai jamais vu le visage d’écrire et de soutenir son mémoire de master alors que plusieurs collègues, et même des nordistes ont refusé de l’encadrer. Saviez-vous que Bintou Touré est en train d’achever son doctorat sous ma direction et que j’ai rencontré son époux afin qu’il encourage sa femme dans son projet de recherche, intitulé :
« LA PROBLEMATIQUE DU VOILE INTEGRAL AU PRISME DE L’ALTERITE DANS BAS LES VOILES ! DE CHAHDORTT DJAVANN ».
Ici encore, il est question de la figuration de l’Autre et de la construction de soi. Sous la plume violente de Chahdortt Djavann dans Bas les voiles, la question du voile intégral demeure un phénomène insoluble. L’apparition de ces femmes aux corps entièrement voilés jusqu’aux visages pose le débat de la bonne cohabitation avec leurs semblables. Un impensé mystérieux et fantasmé structure cette pratique présentée comme totalisante ou extrême qui violerait les principes de liberté et d’émancipation de la femme. La polémique divisant les pro/contre voile intégral soulève un pan de voile sur la différence. C’est une réflexion sur l’Autre et sur la différence que Bintou propose à travers un décryptage en immersion.
Cher collègue et al., souffrez que je vous recommande de sortir de cette construction imaginaire et schématisante de l »anti-nordiste » qui continue d’ouvrir des plaies béantes. Pour vous y aider, je vous laisse en médiation cette citation de Jean Pouillon : « L’essentiel est la différence, qu’il s’agit de comprendre sans céder à la tentation de la réduire ». Tel est mon fin mot qui peut ne pas être mon mot de fin tant que vous continuerez à me portraiturer dans un angle mort.
Que notre lumière soit !
Alger Ekoungoun