J’ai lu dans l’édition du 30 décembre 2021 de notre confrère Soir Info que des militants et cadres du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ne seraient pas contents de la direction de leur parti.
Selon le confrère, « ce mécontentement a trait à l’offensive africaine de certains candidats à la prochaine élection présidentielle en France et au laxisme qu’observerait le parti de Henri Konan Bédié face à cette situation. De fait l’arrivée d’Eric Zemmour en terre ivoirienne, la semaine dernière, si elle n’a pas été grandement médiatisée a eu l’avantage d’être encadrée par le pouvoir d’Abidjan, selon des cadres du « vieux » parti. En tout cas, à les suivre, des personnalités du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ont accompagné le candidat à la présidentielle française durant son séjour.
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Lui ouvrant certainement des arcanes pour des financements et autres appuis dans le cadre de sa campagne électorale. Quid du PDCI-RDA qui, à les entendre, ne montrerait aucun intérêt vis-à-vis de cette élection française et du candidat dont les idéaux et la ligne se rapprochent parfaitement des siens ? Pour eux, le PDCI-RDA devrait également, même en sourdine, apporter son soutien à Valérie Pécresse dans cette bataille… « le problème, c’est que le PDCI n’est pas réactif. Valérie Pécresse, candidate de la droite, est bien placée. Le PDCI doit actionner et travailler avec elle. Si elle arrive au second tour de la présidentielle face à Macron, elle gagne » analyse un cadre du parti septuagénaire lors d’un entretien en début de semaine.
« On n’est pas dans la prospective. Ce sont des comités qu’on crée. On est dans les petites choses sans grande importance. La question est de savoir s’ils veulent vraiment le pouvoir ou bien l’opposition les a rendus amnésiques. C’est en France que les gens décident, il faut agir aussi là-bas », a fait valoir notre interlocuteur, qui voit en cette présidentielle française, une opportunité pour le PDCI-RDA de s’attacher de bons contacts en prélude à la présidentielle ivoirienne de 2025. »
Ah, cette si chère françafrique des valises ou djimbés emplis de francs CFA qui partent de l’Afrique vers la France lors des élections présidentielles dans l’Hexagone en échange de coups de pouces lors des élections dans nos pays ou une grande bienveillance devant nos mauvaises gouvernances. C’est Robert Bourgi, un des grands acteurs de cette françafrique qui l’avait expliqué dans une interview il y a quelques années. Combien d’intellectuels et de politiques africains ou français n’ont-ils pas dénoncé cet aspect pervers des relations franco-africaines, cette perpétuation de ce que l’on appelle la néo-colonisation qui maintient une grande partie du continent africain dans la misère ?

Si j’en crois le journal Soir Info, ce ne sont pas des politiciens français qui demandent de l’argent à des Africains pour financer leur campagne électorale, mais au contraire, des militants d’un parti africain qui se plaindraient que leur formation politique ne cherche pas à soutenir un candidat à l’élection présidentielle française. Dans l’attente d’un renvoi d’ascenseur si ce candidat parvenait au pouvoir. « C’est en France que les gens décident » auraient dit ces cadres de ce parti. Croyez-vous que si ce parti accède au pouvoir dans notre pays, il viendrait à l’esprit de ces cadres et militants l’idée de s’affranchir de la mainmise de la France sur la politique de leur pays, d’entretenir des relations tout simplement normales avec ce pays ?
Savent-ils que ce sont les Ivoiriens qui votent lors des élections en Côte d’ivoire et non des responsables politiques français, fussent-ils des présidents de la république ? Savent-ils que ce sont les Ivoiriens qu’il faut chercher à séduire pour remporter les élections en Côte d’Ivoire, à travers des actions en leur faveur et non à travers de criminels mots d’ordre de désobéissance civile ? Il est vrai que lorsque cette funeste opération qui se solda par des morts d’hommes et des destructions de biens fut lancée, l’on comptait sur un coup de force et le soutien d’une certaine communauté internationale plutôt que sur l’adhésion des Ivoiriens.
Pour ces militants et cadres du PDCI, Eric Zemmour serait venu en Côte d’Ivoire chercher des financements pour sa campagne électorale. C’est possible. Mais à ma connaissance il aurait plutôt rencontré des membres de la communauté française, et non des autorités ou responsables de partis politiques ivoiriens. En tout état de cause, que ce voyage du polémiste français en Côte d’Ivoire ait soulevé un tel émoi au sein du PDCI, au point que certains de ses membres proposent à leur direction de soutenir une autre candidature en France, montre que ce parti est vraiment dans les vieux schémas d’une autre époque.
Non, chers amis du PDCI. Vous êtes vraiment à côté de la plaque. Français et Africains cherchent à avoir désormais des relations décomplexées, débarrassées des miasmes de cette françafrique pourrie qui a perverti la politique aussi bien en Afrique qu’en France ; ils veulent des relations plus adultes, plus respectueuses de l’éthique des relations internationales et des intérêts de chaque pays.
Sachez surtout que financer une campagne en France ne fait pas gagner en Côte d’Ivoire et n’aide pas à conserver le pouvoir. Demandez à votre nouvel ami Laurent Gbagbo. Il a bien envoyé des valises d’argent à Jacques Chirac, de son propre aveu, mais cela ne l’a pas empêché de perde les élections en 2010 et de passer dix ans en prison à la Haye.
Venance KONAN