Dans un éditorial publié ce jeudi 10 février 2022, Venance Konan tacle encore Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Le cadre du RHDP et PCA qui a longtemps dirigé Fraternité Matin, se garde de tacler, par contre, le Président Alassane Ouattara. Ci-dessous son écrit.
Il y a longtemps que de nombreux Ivoiriens en rêvent. Certains l’avaient espéré en 2020, mais le match retour tant attendu n’eut pas lieu pour cause de désistement de deux des protagonistes. Il prit une forme que l’on avait connue en 1995, celle du boycott actif. En 1995, c’était le Front populaire ivoirien (FPI) et le Rassemblement des Républicains (RDR), partis d’opposition d’alors, contre le parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), parti au pouvoir à cette époque.
En 2020 c’était le RDR qui s’était mué en Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) qui était au pouvoir. Le FPI, tendance Affi N’guessan et le PDCI d’Henri Konan Bédié, auxquels s’était ajoutée l’Union des démocrates pour la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) de Mabri Toikeusse, ne voulaient pas de la candidature d’Alassane Ouattara, le choix du RHDP. Laurent Gbagbo qui était encore en Belgique, n’avait pas pu être candidat et ne s’était pas mêlé de l’affaire, même s’il avait déclaré son opposition à la candidature d’Alassane Ouattara.
A lire aussi : Dialogue politique en Côte d’Ivoire : L’échec pointe déjà à l’horizon
En 1995, Henri Konan Bédié est resté au pouvoir malgré les actes de violence. En 2020 Ouattara est aussi resté au pouvoir. Dans un cas comme dans l’autre, ceux qui ont perdu la vie sont morts « gbanzan » comme on dit en Côte d’Ivoire. Le fameux match retour aura-t-il lieu en 2025 ? Tout porte à le croire. Rappelons le match aller de 2010. Ceux que l’on appelait les trois grands de la politique ivoirienne, à savoir MM. Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo s’était affrontés pour la première fois lors de l’élection présidentielle.
En 1995, lors de la première présidentielle après la mort d’Houphouët-Boigny, le père fondateur,Henri Konan Bédié fut seul face à des candidats que l’on pourrait qualifier de figurants, et l’emporta. En 2000, Laurent Gbagbo fut seul face à Robert Guéï qui pêcha par trop de naïveté et fut proprement battu. Il n’y eut pas d’élection en 2005. C’est seulement en 2010 que les trois grands eurent l’occasion de se croiser. On sait tous comment les choses se terminèrent. Une quasi guerre civile, l’arrestation de Laurent Gbagbo qui avait refusé de reconnaître sa défaite, et son transfèrement à la Cour pénale internationale à La Haye.
A cette époque Bédié et Ouattara étaient les meilleurs frères du monde. Bédié voulait que Ouattara lui cède le pouvoir, ce que ce dernier n’a pas voulu. Aujourd’hui on pour dire qu’ils ne se parlent plus. Gbagbo de son côté est revenu blanchi de son procès à la Haye. Il a créé un nouveau parti et a déclaré qu’il ne renonce pas à continuer de faire de la politique. Des membres de son parti ont clairement annoncé qu’il sera leur champion pour l’élection de 2025. En 2020 Bédié avait voulu reconquérir le pouvoir à travers un fumeux Conseil national de transition (CNT). Cela n’avait pas marché.
Actuellement son parti prépare son congrès et il est évident qu’il sera le candidat unique à la présidence de sa formation politique et certainement désigné plus tard son candidat à la prochaine présidentielle. Du côté du RHDP, d’éminents membres de ce parti font des appels du pied au président Ouattara pour qu’il soit leur candidat en 2025. Les trois hommes ne sont plus tout jeunes, mais la disposition constitutionnelle limitant l’âge des candidats a été retirée.
Voici donc le décor planté. A la vérité, aucun de ces trois leaders n’a encore clairement dit qu’il serait effectivement candidat. Mais chacun a de bonnes raisons de vouloir s’asseoir à nouveau sur le fauteuil présidentiel. Bédié et Gbagbo ont une revanche à prendre. Bédié avait été évincé du pouvoir en 1999 par un coup d’Etat, alors qu’il venait de rénover la résidence d’Houphouët-Boigny pour s’y installer et qu’il était en train de s’offrir un palais pharaonique dans son village de Pèpressou. C’est dire que l’idée de quitter le pouvoir était très loin de son esprit. On peut donc comprendre qu’il cherche à tout prix à récupérer ce pouvoir perdu, injustement selon lui et ses militants.
Laurent Gbagbo pour sa part a perdu le pouvoir à la suite de l’élection présidentielle, mais il n’a jamais voulu reconnaître sa défaite. Toutes les preuves de cette défaite brandie par celui que lui-même avait désigné pour certifier cette élection n’ont pas suffi à lui faire entendre raison. Il a fallu utiliser la force pour le déloger du palais présidentiel. Conduit à la Haye, la justice internationale n’a pas réussi à prouver qu’il avait commis des crimes contre l’humanité. Il a donc été libéré et est rentré dans son pays. Il n’a toujours pas accepté sa défaite dans les urnes et rêve lui aussi de reconquérir ce pouvoir qui lui a été arraché par la force.
Alassane Ouattara de son côté avait annoncé sa volonté de se retirer du pouvoir. Mais après le décès de son poulain Amadou Gon Coulibaly, la perspective de voir Bédié ou Gbagbo lui succéder l’a poussé à revenir dans l’arène. Si en 2025, il ne trouve personne de solide dans son camp à présenter face à Gbagbo et Bédié, il y a fort à parier qu’il renonce à prendre sa retraite. Et ce fameux match retour aura enfin lieu. Comment se terminera-t-il ? Ce sera une autre histoire. Croisons les doigts pour qu’il ne se termine pas dans le sang comme le match aller.
Venance Konan
